La biopréservation : utiliser les bactéries pour préserver nos aliments
La biopréservation est le principe même de la croûte du fromage : des levures et bactéries sans danger pour la santé forment une barrière contre la prolifération de micro-organismes pathogènes et d’altération afin d’allonger la durée de vie d’un aliment ou de prévenir un risque microbiologique qui lui sont liées (risque de développement d’une bactérie pathogène spécifique). Leur développement n’affecte pas, ou très peu, l’aspect et les qualités organoleptiques du produit.
Deux mécanismes peuvent entrer en ligne de compte dans cette technique de conservation. Le premier est la compétition nutritionnelle entre les microorganismes : la flore puise les nutriments dont elle a besoin pour se développer dans l’aliment qu’elle a colonisé. Le fait d’inoculer une flore de protection limite drastiquement la ressource nutritive disponible pour les microorganismes indésirables. Le second est la capacité de certaines souches de microorganismes à produire des substances qui tuent ou inhibent la croissance d’autres bactéries. Cette action peut être due à la modification des conditions du milieu (ex : du pH par production d’acides par la flore barrière) ou encore par la production de substances antibactériennes (ex : peptides antibactériens).
Pour un fonctionnement optimal, les cultures protectrices sont méticuleusement sélectionnées. La sélection est faite en fonction de la matière à protéger : il faut que les souches puissent se développer aux conditions de pH et de température auxquelles est conservé l’aliment et que celui-ci représente un milieu nutritif adapté. Cette sélection dépend aussi des risques associés à cette matière : quelles sont les bactéries cibles de l’inhibition ?
En effet chaque souche microbienne susceptible d’être utilisée dans la biopréservation a une action différente, action qui affectera donc des microorganismes différents.
Les bactéries lactiques sont les plus utilisées pour la biopréservation puisqu’en plus de la compétition nutritionnelle elles présentent des capacités antimicrobiennes liées à la production d’acide lactique qui modifie le pH et de peptides antibactériens appelés bactériocines. Les bactéries utilisées pour la biopréservation sont souvent fournies sous forme de ferments, associant ainsi plusieurs souches de bactéries ayant une action complémentaire dans leur rôle de barrière aux microorganismes indésirables.
Il existe des cultures protectrices sur le marché qui sont protégées par des brevets, comme le ferment LLO®, ferment lactique utilisé pour la biopréservation des produits de la mer. Ce ferment joue uniquement sur la compétition nutritionnelle.
Les produits fermentés et les produits non fermentés réfrigérés font l’objet de l’utilisation de ce traitement. Les produits carnés et produits de la mer en particulier sont des produits qui se prêtent à la biopréservation en tant que support favorisant le développement bactérien.
L’utilisation de microorganismes pour lutter contre les microorganismes est une technique encore assez peu développée en Europe. C’est pourquoi il n’existe pas encore à ce jour de législation sur la biopréservation en Europe et que la preuve de l’innocuité des souches employées ainsi que leur efficacité en termes de biopréservation est à prouver par les entreprises qui commercialisent les ferments.
Les autorités s’accordent à dire que les connaissances sur le sujet sont encore limitées, mais la biopréservation semble être une technologie d’avenir pour la conservation des aliments puisque les études ont montré que ce procédé permet une meilleure maîtrise de la qualité sanitaire de certains produits, ainsi qu’un allongement de leur durée de vie.
Camille BLOCQUEL – Chef de projet Agroalimentaire IDmer
Source :
Brillet A., Pilet M.F., Drider D., Pévost H. 2005. La biopréservation, une technologie innovante de conservation des aliments. Rev. Gen. Froid. 1053:32-35.